3 ans... déjà. 3 ans qu'il m'a fallu pour me motiver à finir d'écrire cette aventure. Désolé pour le retard !
Avec le temps je réalise que certains détails sont déjà oubliés. J'ai fais au mieux pour retransmettre cette folle nuit.
Le jour le plus long... c'est comme ça qu'on pourrait le présenter. La préparation, l'attente, puis le grand débarquement. Oui, ça sonne assez juste pour un accouchement !
Dimanche 24 août 2008 - 09h00
Température supportable. Mon dernier jour de vacances commence en étant inondé de soleil. Mon employeur m'avait imposé 3 semaines de congé, ce qui m'a malgré tout permit de préparer l'arrivée de Bébé.
Aujourd'hui ma Douce s'est levée avec difficulté : son bidou est assez gros, il la gêne. Elle commence à en avoir assez. Ça fait plusieurs semaines qu'elle dort avec difficulté, obligée de se mettre sur le côté pour ne pas se sentir mal. De plus les nuits sont chaudes et lourdes, on a du mal à vraiment se reposer.
Je ne me rappelle plus trop de la matinée, si ce n'est que nous n'avions rien fait d'exceptionnel. Durant l'après-midi, la chaleur commençait à nous peser dans l'appartement. Nous avons alors décidé de sortir au parc respirer la fraîcheur.
Ma Chérie : « Et si je descendais et montais les escaliers jusqu'aux contractions ?
- On va peut-être éviter, c'est bourrin quand même... »
On prend l'ascenseur. Une fois arrivé au parc nous avons fait une petite séance de photos avec le bidou. Je vois sur le visage de ma Douce qu'elle fait beaucoup d'efforts pour tenir. Après 1h à prendre la fraîcheur à côté d'une fontaine on décide de se lever et de marcher un peu avant de rentrer.
L'ambiance est bizarre. On attend le grand moment depuis quelques jours mais aucun signe ne se manifeste. On sent que c'est pour très bientôt, que Bébé va arriver... mais toujours rien.
Je m'assure que la voiture est bien garée au bas de l'immeuble et que tout va bien.
Une fois rentré dans l'appartement on reste tranquille à regarder des films à la télé. Je maugrée en douce le fait de reprendre le travail le lendemain. Angoisse. Et comment je vais faire si je suis au travail quand le Grand Moment va arriver ? En fait non c'est une question inutile, je partirai évidemment !
Le soir Chérie prend un bain pour se détendre. Il se fait tard, mais on respire enfin avec cette chaleur. On profite de l'air qui circule. Il va bientôt être minuit mais je n'ai aucune motivation pour me coucher pour reprendre le travail le lendemain.
Lundi 25 août 2008 - 00h04
Chérie est assise sur le lit pour s'essuyer avec la serviette. On regardait un reportage à la télé.
« Plop »
Chérie, intriguée : « T'as entendu ?
- Entendu quoi ?
- Un bruit, ça faisait quelque chose comme « plop »
- Ce n'était pas dehors ?
- Non... »
Je la vois s'arrêter un instant, le visage figé droit devant elle.
« Mais... Mais je coule ! Je perds les eaux ! Vite, apporte-moi des serviettes ! »
Branle-bas de combat !!! Bébé s'est décidé à sortir ! Je cours chercher toutes les serviettes qui traînent !
« C'est vert, il y a du méconium, il a commencé à faire ses besoins. Il faut qu'on se dépêche, apporte-moi mes affaires ! »
On enchaîne les serviettes. Chérie s'habille. Nous sommes tous les deux dans une espèce de transe, le moment qu'on attendait depuis bientôt 9 mois est enfin arrivé !
On fonce prendre l'ascenseur, on se dépêche pour la voiture. J'essaye de rouler au plus vite avec la succession des feux qui sont, comme par hasard, rouges quand il ne le faut pas ! On arrive quand même rapidement à l'hôpital. Je trouve une place pour se garer à côté des urgences.
00h35
On se dirige vers l'accueil des urgences. Chérie est toute sourire, une banane qui va d'une oreille à l'autre. Je sors le caméscope que j'avais préparé. Elle se présente : « Je suis enceinte, je vais accoucher ! »
On nous oriente vers la maternité. Une sage-femme nous accueille. On avance vers la salle quand tout à coup...
« Monsieur, vous ne pouvez pas aller plus loin.
- Quoi ? Mais je veux accompagner ma femme !
- Veuillez attendre qu'elle se prépare, vous viendrez ensuite! »
Raaaah c'est quoi cette attitude anti-papa ?
Je patiente dans le couloir. Tous les films et les sketchs que j'ai vu en rapport avec la naissance tournent dans ma tête, à commencer par le sketch de Kavanagh (Fais coucou à la caméra - Range-moi cette caméra !), le stress dans 99F (comment agir, comment se comporter), 9 Mois et son remake américain, Premiers Cris...
Au bout d'une longue attente, on vient enfin me chercher. J'arrive dans la salle où Chérie est allongée, les jambes en position et le monitoring branché. Elle a un grand sourire. La sage-femme s'affaire aux dernières vérifications puis nous laisse tranquilles.
- Enfin !
- Oui ! À voir la pièce, je vais peut-être éviter de prendre des photos.
- Il vaudrait mieux...
Sur ces sages paroles, je laisse l’appareil photo de côté. Finalement il n’y avait rien de jovial dans cette salle
Vient la longue attente de l’avant-naissance. Celle où on voit les hommes qui marchent en rond en enchaînant clope sur clope (heureusement je ne fume pas).
- 1h00 : la sage-femme vérifie le rythme des contractions. Elle rajoute dans la perf un produit pour l’accélérer
- 1h30 : rien à signaler.
- 2h00 : les douleurs deviennent de plus en plus intensives.
Boom, c’est l’heure de la pause pipi ! Vous n’imaginez pas l’aspect épique de la situation. Ma Chérie, enceinte de 8 mois et demi, avec des contractions, obligée de se lever et d’aller au petit coin. L’aller était facile. Le retour beaucoup moins... surtout qu’elle n’arrivait plus à se lever du cabinet ! Je vous épargne les insultes. Tant bien que mal, Chérie arrive à sortir des toilettes pour se rallonger sur le lit.
- 2h30 : Les contractions deviennent plus intenses. J’essaye de trouver les bons mots pour l’aider : “Aller Chérie, ça va aller, tu vas tenir, respire, c’est bien !”
En retour j’obtiens des mots d’amour : Tais-toi ! Tu m’saoules ! Tu n’imagines même pas comme ça fait mal ! J’en ai marre ! Mais pourquoi j’ai voulu avoir un enfant ?!
Il ne manquait plus que le passage de Kavanagh :
- Fais coucou à la caméra !
- Raaaah tu veux que je lui fasse coucou ? Tiens filme-moi ça : ta mère suce des b**** en enfer !
Bref. A part recevoir les insultes, je ne voyais pas trop ce que je pouvais faire de plus. Ah si, lui tenir la main pour qu’elle me broie la mienne.
03h00
Les douleurs deviennent trop insupportables. On demande à la sage-femme d’appeler l’anesthésiste, ce qu’elle fait. Une fois de plus, on me demande de quitter la salle.
Après 10 (longues) minutes, on vient me chercher.
- Monsieur, il faut que je vous dise, il y a eu un problème.
Je commence à stresser à fond.
- Oui ?
- La péridurale n’a pas pu se faire.
Douche glaciale. Une des choses que je craignais s’est réalisée. J’en reviens pas.
- Attendez, je ne comprends pas, elle n’a pas de péridurale ?
- Non.
- C’est pas possible, qu’est-ce qui s’est passé ?
- L’anesthésiste n’a pas pu la poser.
- Mais.... mais elle ne va quand même pas accoucher sans anesthésie ?
- J’aurai préféré éviter, mais on n’a plus le choix.
Eh merde, c’est pas vrai... ça vire au cauchemar... Les pires scénarios me tournent en tête.
Au moment d’arriver dans la salle, je constate un changement total d’ambiance. Plus personne ne parle, tout le monde a la tête baissée et s’occupe de ses affaires : la sage-femme règle la perfusion, l’aide soignante fait quelques préparations et l’anesthésiste...
C’était un homme qui avait plus d’une quarantaine d’années, les cheveux blancs et courts, le regard fermé. Il finissait de ranger ses affaires lorsque je suis arrivé. J’avais à peine atteint le milieu de la salle quand il est parti en fuyant mon regard, sans dire un seul mot. Même pas un “bon courage”, ou un “encore désolé”. Non, rien, il est parti comme un fuyard.
Tu te barres comme un lâche et tu vas laisser ma femme faire un accouchement naturel. Enfoiré.
J’insiste pour savoir ce qui s’est passé. Chérie m’explique :
- J’étais bien préparée comme il faut, la sage-femme me tenait les épaules. Il a commencé à enfoncer l’aiguille et il s’est tout de suite arrêté. Apparemment j’aurai sursauté.
Je regarde la SF.
- Elle a vraiment sursauté ?
Elle secoue la tête et prend une mine d’incompréhension.
- C’est une fausse excuse alors ? Il s’est loupé et il met la faute sur ma femme ?
Un silence confirme mon hypothèse.
J’ai appris plus tard qu’une autre femme était en train d’accoucher la même nuit et qu’il l’avait également loupé. Il aurait un peu trop bu.
Connard...
Chérie souffrait. Ses contractions devenaient de plus en plus douloureuses et son visage se déformait avec leur intensité. J’étais complètement dépourvu de mes moyens, dans un état d’inutilité totale. Une loque humaine, une merde.
Mais qu’est-ce que je pouvais faire ?! La réponse était aussi claire qu’immonde : rien.
Je m’assoie à côté et prend sa main. Je ne peux rien faire de plus.
La sage-femme lui parle.
- Est-ce que vous avez eu des cours pour apprendre à souffler ?
- Non...
Tu m’étonnes, ils étaient incapables de gérer l’absence de la formatrice pour cause de congé maternité : elle n’était pas remplacée.
- Je vais vous montrer.
La sage-femme lui explique comment faire. Chérie a tellement mal qu’elle n’arrive plus à suivre.
- Restez avec moi, regardez-moi...
Elle lance un cri de douleur. Putain mais quelle merde je suis, ça me tue de ne rien pouvoir faire...
- Madame, je suis là, soufflez comme moi... Elle lui tapote la main. Chérie se bat pour la regarder et suivre son enseignement.
- Ca fait maaaaaaaaaaaaaaal.......
J’ai envie de retrouver ce connard de merde et de lui péter la gueule, c’est incroyable qu’un enculé pareil ose se barrer comme un lâche en laissant ma Chérie dans cet état...
Je crois que c’est la seule chose que je peux encore faire...
04h00
Je m’imagine le pire : que Bébé naisse mais que Chérie y laisse la vie.
Pourtant pendant des millénaires l’humanité a pu prospérer sans péridurale. Oui, ok, beaucoup de femmes y ont laissé la vie...
Pourtant on est dans un hôpital qui est sensé être compétent, il y a une salle d’opération juste à côté si ça se passe mal...
Je n’arrive pas à m’imaginer m’occuper seul de mon bébé. Et quel métier ferai-je ? Avec quel argent pourrai-je payer l’appartement ? L’équipement ? Les couches ? Le lait ? Je serai alors obligé de retourner vivre chez ma mère...
- Je le sens descendre !!!
Je reviens sur Terre. Tout le monde entoure Chérie. La sage-femme se place devant elle et lui parle :
- Soufflez comme je vous ai montré, et poussez quand vous expirez !
- J’ai maaaaaaaaaaaaaal !!
- C’est bien ce que vous faites, continuez !
Je me déplace. Incapable de faire quoi que ce soit, je recule d’un pas pour les laisser faire. Chérie crie de douleur. Mon sang se glace. Toutes les scènes d’accouchement dans les films ne sont que des conneries, des bullshits. Le réel n’a rien à voir avec les images épurées du cinéma, à croire que personne n’a vu un vrai accouchement.
- Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah
- Elle a un déchirement... continuez, on recoudra après !
Mais c’est un véritable cauchemar cette nuit !
Tout à coup je vois apparaître quelque chose...
- … il arrive... Je le vois qui arrive ! Continue Chérie !
La sage-femme positionne ses mains autour de la tête du petit être qui arrive
- Continuez, il arrive !
Il continue de sortir... il est tout bleu et sa tête est déformée, dingue, jamais je n’aurai cru ça ! La professionnelle continue d’accompagner le bébé avec ses mains. La tête... puis le ventre et les bras... les fesses... puis les jambes.
- Il est sorti ! Bravo !
Tout le monde applaudi ! Je suis abasourdi devant le petit être qui se met à pleurer... Tu m’étonnes, passer de 9 mois de bien-être à un environnement froid, bruyant et ultralumineux...
J’embrasse Chérie.
On me parle :
- Voulez-vous couper le cordon ?
Je regarde le cordon, puis la paire de ciseaux qu’elle me tend. Je ne me sens pas très bien, je décline.
Pendant qu’elle coupe le cordon, je me sens de plus en plus mal.
- Voulez-vous prendre l’air ?
- Oui je veux bien...
Quelqu’un m’accompagne vers l’escalier de secours, à l’extérieur. Et là j’éclate en sanglots.
Toute cette pression, ce stress, l’accouchement, la fin de la grossesse (8 mois et demi), le changement de vie... Tout s’évacue.
Une infirmière me propose de boire un verre d’eau. J’accepte.
04h30
Je reviens 10 minutes plus tard, calmé. Je vois l’aide soignante qui a pris les mesures du petit et qui est en train de l’habiller. On me dit :
- 53 cm... 4,32 kg. Naissance le lundi 25 août 2008 à 4h15.
Un grand p’tit bonhomme...
Je la regarde l’habiller. Elle prend un bonnet et le lui met sur la tête. Elle soulève un peu au niveau de l’élastique... et voilà qu’il lui glisse des doigts pour claquer sur l’oeil droit de mon fils !!!
MAIS C’EST PAS POSSIBLE CET HOPITAL !!
Ils apportent le petit à ma Douce, toute sourire. Ils venaient de la recoudre : elle a eu un petit déchirement durant l’accouchement. Mais maintenant j’ai l’impression que ces 4 dernières heures sont de l’histoire ancienne.
Le plus important est là, notre fils est parmi nous !
La SF vient me voir :
- Est-ce que vous pouvez me suivre dans le couloir ?
- Oui, pourquoi ?
- J’ai besoin de noter les prénoms que vous allez donner à votre fils. Est-ce que vous vous êtes décidé ?
Je regarde Chérie, elle hoche la tête.
- Oui.
- Je vous écoute ?
- Nous allons l’appeler : Maxime Baptiste Alexandre.
jeudi 8 septembre 2011
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